La foi, c’est admettre les passages à vide

La foi, c’est admettre les passages à vide

La foi, c’est admettre les passages à vide

# Prédications

La foi, c’est admettre les passages à vide

Prédication du dimanche 20 mars 2022 au Temple Neuf Pasteur Rudi Popp

« Le roi Achab raconta à Jézabel tout ce qu’avait fait Elie, et comment il avait tué par l’épée tous les prophètes. Jézabel envoya un messager à Elie, pour lui dire : Que les dieux fassent ceci et qu’ils y ajoutent cela, si demain, à cette heure-ci, je ne fais de ta vie ce que tu as fait de la vie de chacun d’eux ! Elie, voyant cela, s’en alla pour sauver sa vie. Il arriva à Bersabée, qui appartient à Juda, et il laissa là son serviteur. Quant à lui, il alla dans le désert, à une journée de marche ; il s’assit sous un genêt et demanda la mort en disant : Cela suffit ! Maintenant, SEIGNEUR, prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères. Il se coucha et s’endormit sous un genêt. Soudain, un messager le toucha et lui dit : Lève-toi, mange ! Il regarda : il y avait à côté de lui une galette cuite sur des pierres chaudes et une cruche d’eau. Il mangea et but, puis se recoucha. Le messager du SEIGNEUR vint une seconde fois, le toucha et dit : Lève-toi, mange, car le chemin serait trop long pour toi. Il se leva, mangea et but ; avec la force que lui donna cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb. »

Chers amis, « Longtemps j’ai rêvé de la possibilité d’une vie (...) joyeuse, innocente, solaire, (...) épargnée par les coups durs. Mais la Réalité a petit à petit fêlé puis fracassé ce rêve. »

« La vie, la vraie vie, est une lutte permanente, indécise et âpre entre les énergies qui sauvent et celles qui détruisent, un combat contre les puissances hurlantes qui menacent de nous terrasser ».

Ainsi s’ouvre un livre qui vient de paraître, « Résurrections. Traverser les nuits de nos vies », du philosophe Denis Moreau. Un livre qui se tient au dessus de la mêlée - c’est le cas de le dire - par une expérience chrétienne et philosophique qui tranche avec les légères enquêtes de sens qui remplissent régulièrement les librairies et qui aboutissent soit à la facilité d’un Dieu certifié, tamponné et scientifiquement prouvé, soit à la annonce tonitruante que tout est foutu.

Or comme ses contemporains, Denis Moreau a « pris des coups » et en a « donnés aussi ». Tout philosophe qu’il est, à certains moments, il lui « est arrivé de penser que c’était foutu », écrit-il dans le prologue. Il résume l’expérience chrétienne justement ainsi : Si la foi ne préserve ni des deuils, de la dépression, de la trahison, du « goût amer du péché », des faillites conjugales et générales..., croire au Christ mort et ressuscité aide à traverser les nuits de l’existence d’une manière particulière: pour celui qui croit en la résurrection du Christ, toute situation peut devenir « résurrectionnelle »

L’histoire d’Elie que nous méditons ce matin est une telle histoire, l’histoire d’une traversée de la nuit qui conduit à une situation « résurrectionnelle ».

L’histoire qui nous est raconté dans les chapitres 17 à 19 du 1er livre des Rois est le récit d’une ascension étincelante qui se solde par une défaite pénible. Au départ, Elie est le méga-puissant opposant du super-puissant roi Akab, en décrétant :

« Par le SEIGNEUR vivant, par le Dieu d’Israël que je sers, je l’affirme : pendant plusieurs années, il n’y aura pas de rosée et pas de pluie, sauf si je le commande. » Du coup, Elie doit se cacher devant la colère du roi ainsi privé de ses ressources.

Elie se fait entre temps confortablement nourrir par l’intermédiaire de Dieu et de la veuve de Sarepta (pain et viande matin et soir, la farine ne manque pas, l’huile ne diminue pas...). Et en passant, il ressuscite le fils de la veuve. Puis il convoque d’une autorité infaillible Akab le roi en rage, le traitant comme un petit voyou, et lui ordonne : « Fais rassembler tout le peuple d’Israël autour de moi... Que les Israélites viennent avec les 450 prophètes du dieu Baal ! Qu’ils viennent avec les 400 prophètes de la déesse Achéra que la reine Jézabel protège ! »

C’est un véritable showdown, une confrontation comme dans les western : Elie seul (au nom de Dieu) contre tous.

Elie commence par rappeler à l’ordre le peuple d’Israel : « Jusqu’à quand sauterez-vous d’un pied sur l’autre ? Si c’est le SEIGNEUR qui est Dieu, suivez-le ! Si c’est le Baal, suivez- le ! » Dans la suite, Elie organise une espèce de concours d’activité religieuse pour montrer qui est le vrai Dieu : le SEIGNEUR ou Baal. C’est un festin énorme, où le sang des taureaux et des faux prophètes coule à volonté.

Elie est le grand maître de cérémonie, qui remporte évidemment la victoire puisque c’est le SEIGNEUR qui fait descendre du feu qui brûle le sacrifice et tout le reste, en convertissant le peuple, en écartant les faux prophètes. Quand ensuite la pluie revient, on se croit littéralement à la fin du film ; la scène semble parfaite, Elie est le boss : Le SEIGNEUR remplit Élie de force...

Mais il n’en est rien.

Car au lieu de triompher, Elie prend la fuite devant la reine Jézabel. Elie, le méga- prophète, le vainqueur du roi super-puissant, le boss spirituel d’Israël, « Elie se leva et partit pour sauver sa vie »

Quelle chute, chers amis ! L’histoire d’Elie le méga-prophète se termine avec ce tableau d’un échec, d’une véritable galère : dans le désert, il s’assit sous un arbre et demanda la mort en disant : « Je n’en peux plus! Maintenant, SEIGNEUR, prends ma vie, car je ne vaux pas mieux que mes pères ».

Et seulement l’intervention très douce et secrète d’un « messager » (le texte ne précise pas d’où il sort, celui là !) qui le toucha et lui dit : « Lève-toi et mange ! » sauve Elie. En mangeant deux fois une galette cuite sur des pierres chaudes et en buvant une cruche d’eau, il trouve juste la force de se lever ; « fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb. »

Elie devient alors une figure clé de la foi de Dieu ; il préfigure la résurrection du Christ. Cette foi qui permet non seulement de garder le cap dans les tempêtes, mais aussi de se relever après la perte de tout repère, la disparition de la lumière.

En quoi consiste cette « vivification » ? Comme il s’écoule trois jours entre le Vendredi saint et le dimanche de Pâques, il faut du temps pour sortir « ressuscité » d’une épreuve. Le chemin de résurrection n’est possible qu’au terme d’une maturation.

Comme dans les récits de la passion du Christ, la résurrection ne saurait ici être tenue pour un événement historique comme un autre. L’annonce de la résurrection - celle d’Elie comme celle du Christ - n’a de sens qu’au travers de l’expérience de l’épreuve ; elle n’est pas faite pour satisfaire les adhérents d’un concept, elle ne s’applique pas à la fabrication intellectuelle d’une vie joyeuse, innocente, solaire, épargnée par les coups durs.

Aussi curieusement que cela puisse paraître : la condition de la résurrection, c’est de consentir à une vie où ce n’est pas la réussite, qu’elle soit professionnelle ou spirituelle, qui occupe la première place dans ma vie. La résurrection n’est pas le rêve d’une vie épargnée par les épreuves, les obstacles et les coups durs, mais est elle est la fin de ce rêve.

Car la bonne nouvelle d’Elie, c’est quand on trouve juste assez de confiance et de force pour se relever d’une épreuve, d’une maladie, d’une dépression, d’un deuil.

L’histoire d’Elie nous permet ainsi de changer de regard sur notre propre histoire : nous n’avons pas besoin de raconter notre vie, y compris notre vie de foi, comme une histoire à succès. Nous pouvons admettre les passages à vide, et mettre en valeur précisément le petit détail, la parole encourageante, « la galette et la cruche », qui à différents moments, nous a juste permis de nous relever et qui nous permet encore de continuer à marcher, peut-être même péniblement. Cela suffit pour que notre histoire soit digne de l’humanité de Dieu.

Dans notre biographie spirituelle, ce qui est finalement important, ce ne sont pas les passages de gloire. Ce qui « donne de l’envol » à notre histoire, ce ne sont pas les périodes où tout va bien, « pas de questions, pas de problèmes, que du bonheur ».

Ce qui rend la foi de Dieu crédible, ce sont ces petits détails qui nous ont aidés à nous relever d’une chute : la « galette » qui nous a porté secours quand il fallait passer par une « galère » ; tel ou tel souvenir, peut-être le souvenir de notre baptême : le fait de se remémorer que notre valeur ne vient pas de nos actes, de nos accomplissements, ou de notre origine, mais qu’elle est entièrement donnée, gratuitement, et acquise une fois pour toutes par l’amour de Dieu.

La foi de Dieu en Jésus-Christ nous aide non pas à mener une vie facile, superficiellement réussie, mais à assumer aussi nos chutes, nos vulnérabilités et nos échecs, et à nous relever en acceptant le peu qui nous est donné, la galette dans la galère, pour continuer à marcher. Oui, par cette foi, j’ai confiance que toute situation peut devenir « résurrectionnelle » ! Amen.

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